Valorisation des cabinets d’expertise comptable : vers une nouvelle donne ?

Podcast Les Experts-Comptables de demain #10

Bienvenue dans ce 10ème épisode du podcast “Les Experts-Comptables de demain” ! Nous y recevons Gilles Dauriac, Expert-Comptable Associé au sein du cabinet ACSE, pour répondre ensemble à la question suivante :

En matière de valorisation des cabinets d’expertise comptable : allons-nous vers une nouvelle donne ?

Gilles Dauriac s’intéresse depuis de nombreuses années à la valorisation des cabinets.

Il en a fait, en septembre 2022, une synthèse passionnante dans le magazine SIC, intitulée « Valorisation des cabinets d’expertise comptable, vers une évolution des modèles historiques ? », disponible ici.

Tout dirigeant de cabinet se pose régulièrement la question de sa valeur, notamment en intégrant des jeunes au capital de son cabinet.

Mais de manière conjoncturelle, Gilles Dauriac dit sentir en ce moment « un frémissement » sur ce sujet dans la profession. La Journée d’Échanges du CEG du 7 juillet, où Frédéric Fréry, enseignant chercheur en stratégie, est intervenu sur le sujet de la potentielle financiarisation de la profession, en est un signe (Lire le résumé de la journée du 7 juillet ici).

Qui dit arrivée de fonds, dit refonte évidente du modèle classique de valorisation des cabinets, nous allons le voir dans ce podcast.

Quel était jusqu’ici le modèle historique de valorisation des cabinets ?

 « Le modèle historique, c’était coefficient 1 : une année de chiffre d’affaires », explique Gilles. Mais cela évolue, avec une hétérogénéité de plus en plus forte des rentabilités des cabinets, qui génèrent des variations de prix importantes.

Les différences d’adoption des nouvelles technologies dans les cabinets semblent être en grande partie responsables de cette hétérogénéité croissante des prix de cession.

Conséquence : les acheteurs ciblent davantage qu’avant leurs opérations de croissance externe.

Si le départ en retraite reste la principale cause de cession, d’autres motivations émergent

Dans la dernière étude Interfimo de 2021, qui étudie les transactions de cabinets, 52% des cédants sont en phase de départ à la retraite. Même si cela reste la cause majeure des cessions, ce ratio est en baisse. Pour Gilles, « d’autres vendeurs émergent ».

Cegid, dans son dossier « Quelle est la valeur d’un cabinet comptable ? » a identifié deux de ces profils émergents :

  • Les « désengagés », dont le moteur semble être « le ras-le-bol ». Il y a toujours eu des désengagés dans la profession, nous explique Gilles. Mais « le ratio bénéfices-contraintes pour eux devient tout simplement insupportable».   
  • Les « sages », qui cherchent à se recentrer sur les sujets pour lesquels ils ont de l’appétence, et ont tendance à vouloir se rapprocher de grands groupes. « Ils étaient chefs d’entreprise par défaut et se jettent sur l’occasion de cesser de l’être. C’est une forme de sagesse. Il vaut mieux être un bon expert-comptable qu’un mauvais chef d’entreprise», analyse Gilles.

L’arrivée des financiers dans la profession

La financiarisation est un point essentiel de cette réflexion sur l’évolution de la valeur des cabinets.

Pour notre invité, les fonds d’investissement ont de très bonnes raisons de s’intéresser à la profession comptable. Il s’agit en effet d’un secteur qui « offre des perspectives à moyen et long terme, des bonnes rentabilités, et où la valorisation est assez basse par rapport au rendement ».

Gilles a discuté de cela avec un fond de capital-risque qui lui a confié analyser la profession comptable de près, mais une inconnue freine encore le mouvement : le schéma de sortie. « On sait rentrer dans votre marché, mais on ne sait pas encore comment en sortir », s’est-il vu confier par ce fond.

Une fois que les schémas de sortie pour les fonds de capital-risque seront éclaircis … il est possible qu’on voie se multiplier ce type d’opérations.  

La financiarisation des CGP

Pour Gilles, cela vaut la peine d’étudier la financiarisation qui est en train de s’opérer dans le Conseil en Gestion de Patrimoine (CGP). « Les fonds y arrivent et les prix s’envolent (…) 12 à 15 fois l’EBE ».

 « On peut raisonnablement penser que l’arrivée des fonds [dans l’expertise comptable] aura pour conséquence un accroissement significatif des prix de vente de certains cabinets : ceux qui offrent une rentabilité satisfaisante et une certaine cohérence par rapport à leur marché ».

Émergence de grandes sociétés de services et de nouvelles marques

La financiarisation de la profession comptable pourrait aboutir à l’émergence de grandes sociétés de services, qui apporteraient un éventail de réponses plus large aux salariés à la recherche d’un meilleur équilibre vie pro-vie perso (dont font partie les fameux « sages » mentionnés par Cegid !) … Sans être l’unique modèle, les options de carrière s’en verraient donc diversifiées.

Gilles explique également que la financiarisation de la profession pourrait faire émerger des « marques nouvelles », qui permettraient aux fonds de mieux valoriser leur sortie. Mais cela ne supprimera pas le goodwill de personne (ou intuiti personnae) qui est encore un élément fort de la profession. Goodwill de personne et goodwill de marque cohabiteront.

« On est le miroir de nos clients. Tant qu’il existera des TPE et des entrepreneurs individuels (…), il existera des Experts-Comptables qui leur ressemblent ».

Un épisode passionnant sur un mouvement qui pourrait remodeler en profondeur la profession, et enrichir la mosaïque des possibles.

Très bonne écoute à tous !