Aujourd’hui, nous ouvrons une toute nouvelle série de podcasts sur la RSE dans l’expertise comptable ! Nous y recevrons des invités, qui pensent, qui mettent en œuvre dans leur cabinet et/ou auprès de leurs clients des actions, des missions, en matière de RSE.
Nous recevons dans ce 15ème épisode Thierry Denjean, président fondateur de Denjean&Associés, pour parler d’un pan spécifique de la RSE : l’actionnariat salarié.
Denjean&Associés est un cabinet d’expertise comptable, de conseil et d’audit spécialisé dans l’expertise comptable complexe auprès des grands groupes. « Une alternative aux Big Four », concède volontiers le dirigeant.
« J’ai créé Denjean & Associés à 29 ans. Je vais en avoir 60 », confie Thierry Denjean. Le cabinet regroupe aujourd’hui 11 associés, emploie 150 personnes et a réalisé 20 millions d’euros de chiffre d’affaires l’année passée.
En novembre 2022, Denjean & Associés a ouvert le capital de son cabinet à tous ses salariés, quels que soient leur grade et leur ancienneté. Aujourd’hui, 100% des salariés détiennent 7,5% du capital de l’entreprise.
« C’est une conviction que j’avais depuis très longtemps, quasiment depuis que j’ai créé Denjean & Associés (…) : un jour il faudra absolument que les salariés participent à cette aventure ». Mais il fallait pour cela attendre que le cabinet devienne une structure pérenne, « avec beaucoup de rentabilité et de chiffre d’affaires ».
La loi Pacte de 2019 a favorisé le passage à l’action, avec la possibilité pour les entreprises réglementées d’ouvrir leur capital à des non professionnels, à la condition que 2/3 des droits de vote soient encore détenus par des professionnels.
Contraintes juridiques fortes propres aux profession réglementées, banques et intermédiaires financiers réticents, répartition souvent uniforme du capital entre les associés… : Thierry Denjean liste les raisons qui freinent encore la généralisation de l’actionnariat salarié dans les professions réglementées.
Mais ces freins devraient s’assouplir avec le temps, et avec la financiarisation progressive du secteur qu’il observe également : « Des fonds s’intéressent de plus en plus à nos entreprises. Cela ouvre les yeux sur nos professions et permet à des intermédiaires financiers d’en avoir une lecture différente » (Cf notre épisode précédent sur la financiarisation)
Denjean & Associés a créé un fonds de commun de placement d’entreprise (FCPE), à l’appui d’une banque. Aujourd’hui, les salariés détiennent 7,5% du capital de l’entreprise. Un 2ème véhicule est prévu prochainement, qui devrait augmenter cette part par tranches.
Les salariés ont pu utiliser leur participation pour acquérir ces actions. Beaucoup ont également ajouté des versements volontaires supplémentaires. Aujourd’hui, toutes les nouvelles recrues du cabinet se voient offrir des actions Denjean & Associés.
« Le FCPE est animé par un conseil de surveillance qui sera géré par des salariés actionnaires. Le représentant de ce conseil de surveillance assistera à toute la vie sociale de l’entreprise, et à toutes les assemblées générales qui rythment la vie de Denjean & Associés ».
Au-delà de la fidélisation, et de l’attractivité RH que cela génère (et qui ne sont pas les objectifs poursuivis, précise-t-il !), Thierry Denjean insiste : cela va bouleverser la conduite des affaires, puisqu’il va être désormais obligé de rendre des comptes sur la bonne gestion du cabinet aux salariés.
« Jamais je n’ai connu de cabinet où l’on vous fait part du chiffre d’affaires, des résultats, des KPI importants, de l’endettements, des succès, des échecs. C’est une transparence nouvelle pour nos cabinets réglementés. Je suis fier d’exposer à nos salariés là où on est bons, là où on est moins bons ». « C’est une nouvelle ère qui commence », explique-t-il.
Pour Thierry Denjean, « le plus important du travail aura été de bien expliquer aux collaborateurs ce qu’on voulait faire, ce qu’on attendait d’eux, leur expliquer qu’ils étaient libres de souscrire ou pas. Au bout d’un an de gestation, le projet a vu le jour ».
Quand on lui demande quels sont les critères de réplicabilité, Thierry Denjean nous répond :
– Un partnership convaincu sur le partage de la valeur,
– Une vision long terme pour l’entreprise
– Et des épaules très solides pour garantir une pérennité financière aux salariés actionnaires.
Un épisode avant-gardiste et passionnant. Bonne écoute !
Les cabinets d’expertise comptable peuvent également se constituer en SCOP (Société Coopérative de Production), comme d’autres professions libérales réglementées (exemple : architectes, géomètres…). Dans une SCOP, les salariés ayant le statut d’associé sont obligatoirement associés majoritaires de la société. Il possèdent donc au minimum 51 % du capital social de l’entreprise (Source : https://www.economie.gouv.fr/entreprises/definition-scop). C’est par exemple le cas de l’entreprise TSARAP (https://www.tsarap-scop.com/), constituée en SCOP en 2016, que nous remercions pour cette précision.